Malaise des enseignants, perte d’intérêt des étudiants, une inquiétude qui dépasse nos frontières …

31 Août 2023

"Bonjour,

Je m’appelle Fouzia M, j'habite au Maroc, j’ai 40 ans et je suis maman de deux adolescents. Je suis enseignante depuis plus de 18 ans.

J’ai d’abord enseigné en milieu rural pendant 8 ans dans la ville de Nador. Les conditions y sont assez difficiles. Beaucoup de mes élèves habitaient à des kilomètres de l’école et s’y rendaient à pied. En hiver, il n’y a pas de chauffage, d’ailleurs cela est le cas même en milieu urbain. En période hivernale, il faut toujours bien se couvrir et sans râler ! Nous prenons vite l’habitude :)

Il y a peu, voire pas du tout d’animations extrascolaires, très peu de terrains de jeux ou de bibliothèques à proximité. Après l’école, les jeunes donnent un coup de main à leurs parents dans les tâches du quotidien, au champ…

Le soutien psychologique et éducatif y est totalement absent et pourtant la majorité des élèves sont persévérants et veulent y arriver.

Ensuite, j’ai été transférée à Oujda en milieu urbain. C’est durant ces 10 dernières années que j’ai pu ressentir une décadence dans le système scolaire. Notamment des enseignants noyés et un désintérêt des étudiants de plus en plus flagrant.

Les étudiants d’hier ne sont pas ceux d’aujourd’hui. Par exemple, malgré les conditions sociales et le manque de moyens pédagogiques, les jeunes avaient l’habitude de chercher dans les livres, de lire le journal papier pour s’informer, d’enrichir leurs connaissances et de comprendre par eux-mêmes, même si cela devait prendre du temps… Aujourd’hui, une grande majorité de nos jeunes sont d’une génération dépendante des autres et qui préfèrent les informations toutes faites sans aucun effort.

Et puis, l’introduction du numérique n’a pas fait que du bien. Cela a affecté d’une manière ou d’une autre le processus éducatif. Je peux observer l’impact de cet outil sur nos jeunes qui, pour certains, y sont devenus accros. Dès qu’ils ouvrent Internet, nos jeunes se retrouvent perdus au milieu d’un grand nombre de sujets parfois nouveaux pour eux et surtout pas très sains. Comme il n’y pas de programme de sensibilisation prévu à cet effet à l’école, le jeune peut facilement dévier sans savoir qu’il prend un mauvais chemin. C’est devenu également, pour beaucoup de parents, un moyen de distraire dès leur plus jeune âge les enfants, pensant qu’à la maison devant un écran ils évitent le pire. En tant qu’enseignante, j’ai pu sentir que cette dépendance des écrans marginalise notre rôle, le rôle de la famille. Il n’y a plus beaucoup d’interaction sérieuse entre le jeune et les adultes. Il m’arrive d’avoir des élèves dont la santé physique et psychique se dégrade. J’en parle aux parents sans être sûre qu’il y aura un suivi.

Loin de là, ce fléau n’est pas une priorité. D’autres programmes toujours plus intenses nous sont imposés. Un cursus parfois beaucoup trop chargé pour nos jeunes. Nous devons faire face à un nouvel ordre scolaire qui, si je puis dire, écrase « l’âme » de notre métier d'enseignant. Nous visons un projet scolaire penché sur le rendement, la performance et la productivité au détriment de la qualité de l’enseignement. Cela met vraiment à mal le sens initial de nos missions, à savoir, la transmission, l’émancipation, le social, la relation de confiance… Cela a un impact significatif sur les résultats de certains de mes élèves qui présentent une baisse des notes et un manque d’intérêt en classe. Il m’arrive malheureusement de faire un tri des élèves, par manque de temps, je ne sais plus me pencher comme il se doit sur les élèves en difficulté. Mis à part les rapports de constatations des problématiques que nous établissons pour clôturer l’année et qui nous prennent un temps fou (auquels sont donnés d’ailleurs peu de suite), nous ne prévoyons aucun autre de moyens de prévention contre le décrochage scolaire. Nous ne bénéficions pas de partenaires extérieurs qui pourraient nous donner un coup de main, il n’y a pas non plus d’école de devoirs après les cours pour prendre le relais et ainsi pallier les difficultés du jeune. Le soutien extra-scolaire et les remédiations appartiennent aux jeunes qui ont des parents qui travaillent et qui peuvent financer des cours privés.

S’ajoute aussi la contrainte de la gestion des élèves en situation de handicap, c’est un autre défi pour lequel nous ne bénéficions pas de moyens supplémentaires et surtout indispensable pour la réussite et l’inclusion de ces jeunes. Il existe bien évidemment des centres pour ces jeunes, mais encore une fois, quand le problème de proximité fait barrière au droit à l’enseignement, nous devons les accepter dans nos écoles pourtant non adaptées. C’est très compliqué quand on sait qu’à côté, on a un bon nombre d’élèves en difficultés qui attendent qu’on leur vienne en aide. Et ça, sans compter la pénurie de matériel pédagogique déjà présente à la base.

On se sent par moment impuissants presque responsables de l’échec des élèves en fin d’année.

En tant qu’enseignants, nous ne bénéficions pas de formations pour nous aider à nous améliorer, à diversifier nos méthodes d’enseignement et à nous adapter à une nouvelle génération. Même si nous faisons parfois face à une vague d’émotions, de stress, de manque de confiance et de pression venant de la hiérarchie, dans la majorité des cas, quand un enseignant n’en peut plus, il persiste quand même dans son métier non plus par passion mais pour raison financière. Il démissionne très rarement.

Fouzia M."

Interview par 

Farida CHALLOUKI 
Rédactrice

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