Migrante malgré elle, Khadija nous raconte son lourd parcours !

31 Juillet 2022

« Je m'appelle Khadija, je suis d’origine marocaine, j'ai 40 ans et je suis maman de deux adolescents. J’habite dans le quartier Saint-Josse et je travaille depuis peu sous contrat à durée indéterminée (CDI). Un statut qui vous parait normal comme tant d’autres, et pourtant un confort devenu tellement précieux à mes yeux, à mon cœur que je ne l’échangerais pour rien au monde ! Oui, avec mes enfants, nous avons souffert avant de pouvoir en arriver là !

Au Maroc, diplômée en Informatique, j’ai d’abord travaillé en tant que comptable dans une grande société. Ensuite, j’ai travaillé dans un cybercafé en tant qu’informaticienne. J’habitais toujours chez mes parents entourés de mes frères et sœurs. Nous ne manquions de rien ! Un beau jour, un voisin libyen m’a parlé d’une possibilité de signer un contrat de travail avec l’Italie. Au Maroc, nous sommes tous fascinés par l’Europe même quand tout va bien. Enfin, c’était mon cas, vouloir voir d’autres horizons, essayer autre chose, après tout, « pourquoi pas ? » me suis-je dit ! Et puis le prix était dérisoire ; 2000 euros transport et hébergement compris ! Mes parents, ma famille, tout le monde m’a encouragée. Malgré tout, j'ai longtemps réfléchi avant de prendre cette décision. J’ai donc tout quitté et avec mon voisin, son épouse, nous avons pris l’avions direction la Libye. Une fois sur place, les choses ont directement pris une autre tournure ! Il n’y avait ni promesse d’engagement, ni contrat, juste un périple dangereux dont l’issue n’était pas garantie ! Un Zodiac avec des passeurs qui nous attendait au port. J’allais, comme on dit chez nous, « brûler la frontière ». Un Zodiac déjà bien rempli d’Africains, nous étions juste deux Marocaines. Un sentiment de regret envahissait déjà mon esprit ! Mais c’est trop tard maintenant, il fallait regarder devant soi sachant que je jouais ma vie au quitte ou double !

La nuit tombée, le compte à rebours était lancé. Il fallait faire vite ! Nous étions tous silencieux, entassés les uns sur les autres. Des femmes, des enfants, des personnes âgées, des jeunes étudiants… Quelques heures plus tard, le Zodiac avançait lentement et avec difficulté. Les chauffeurs étaient très tendus et nerveux, ça sentait mauvais ! Soudainement, nous avons tous été envahis d’eau jusqu’aux pieds, il y avait un trou dans notre bateau. C’était la panique totale, il faisait froid et il y a avait beaucoup de vent. Certains ont même commencé à pleurer. Nous avons donc dû faire immédiatement demi-tour et arrivés au bord de la mer, nous nous sommes tous éparpillés par peur de nous faire remarquer. Nous avons dû trouver un abri pour se cacher jusqu’au lendemain, le temps que les passeurs règlent les choses. Ce n’est qu’au matin que nous avons à nouveau essayé et là, c’était parti pour de bon, pas question d’abandonner ! La traversée a duré plus de trois jours. Trois jours sous un silence lourd et pesant, perdus tantôt sous un soleil ardent et tantôt dans l’obscurité totale ! Nous avons été pris par le soulagement quand, de loin, nous avons aperçu enfin les côtes italiennes cachées par le brouillard.

Je n'aurais jamais imaginé pouvoir vivre un jour cet enfer ! Physiquement, psychologiquement, moralement, ce périple nous a tous anéantis… …moment de larmes…Les douaniers italiens nous ont accueillis pour nous emmener vers les centres d’accueil. Au passage, nous pouvions voir des cadavres repêchés que les agents enveloppaient dans des sacs au fur et à mesure. Des corps pour la plupart féminins et d’origine maghrébine ! Et c’est là, que j’ai réalisé le risque dans lequel on s’est embarquées et de la chance aussi minime soit-elle d’être encore vivantes. J’avais l’aspect d’une morte-vivante, le visage creux, les yeux aux orbites creusées, les cheveux dressés… et vidée de moi-même ! Je ne souhaitais qu’une seule chose, pouvoir dormir et oublier !

Les Italiens sont chaleureux ! Enfin, nous étions en sécurité ! Ils nous ont tout de suite pris en charge, la souffrance s’en allait petit à petit pour laisser place à leur gentillesse leur compassion, leur humanité !

Je suis restée en Italie plus ou moins 3 ans, je me suis mariée et j’ai eu deux enfants.

Nous sommes arrivés en Belgique avec nos deux garçons âgés alors de 1 an et de 7 mois. Nous ne connaissions rien du pays même pas le français. Nous avons dormi à l’hôtel, puis mon mari a dû retourner en Italie afin d’y récupérer des documents manquants à son dossier de régularisation. Il y est resté plusieurs mois. Je me suis retrouvée seule avec les enfants sans argent et j’ai dû dormir à la rue… moment de larmes ..… C’était très dur, surtout quand on croise des regards qui méprisent et humilient. Heureusement, tout le monde n’est pas pareil ! J’ai pu trouver du soutien auprès d’une église tenue par une association pour les sans-papiers qui se situait à l’époque au Botanique. Avec mes enfants nous avons été hébergés, nourris. Les toilettes, la cuisine, les tâches ménagères étaient en commun. Mais enfin, c’était beaucoup mieux que de dormir dans la rue. Dès les premiers jours, mon fils de 7 mois est tombé malade. Je me suis rendue à l’hôpital et j’ai dû confier mon autre fils à un inconnu du centre d’hébergement. Errant dans les rues avec mon bébé brûlant de fièvre, je cherchais l’hôpital le plus proche. J’avais trouvé les urgences et après des heures en salle d’attente, un médecin essayait de m’expliquer de quoi souffrait mon enfant. Je ne comprenais rien ! Le seul mot qui revenait dans la conversation, c’était « URGENT ». Mon Dieu, mon cœur voulait exploser ! … moment de larmes… excusez-moi ! Une infirmière m’a annoncé que l’hospitalisation allait être longue, car mon fils était atteint d’un virus dans le sang. Il fallait donc, dès lors, faire des allers-retours de l’hôpital vers le centre. Je ne connaissais même pas l’adresse du centre, je marchais n’importe où, je prenais n’importe quel bus… Ma vie s’était réduite à un combat de survie au quotidien !

En 2012, nous avons reçu un avis d’expulsion de l’église, car les riverains se plaignaient de tapage nocturne. La commune a pris une décision ferme, mais nous sommes tout de même restés ! Jusqu’au jour où la police est venue nous menotter, même mes enfants ! Nous avons tous pleuré ! C’était un jour effroyable ! Nous sommes restés au commissariat toute la nuit.

La commune de Saint-Josse a décidé de nous soutenir et nous a offert un logement le temps de régulariser notre situation. Finalement, nous avons reçu un ordre de quitter le logement, car la régularisation nous a été refusée. Comme nous commencions tout doucement à prendre nos marques, je pouvais compter sur le soutien de mes connaissances et mon mari travaillait de temps à autre en noir. Il fallait que je sois forte pour mes enfants car bien d’autres défis m’attendaient ! J’ai eu un grand soutien de l’école de mes enfants ‘ La Sagesse’ avec des repas chauds et des activités scolaires et extra scolaires totalement gratuits. Le Service Prévention de Saint-Josse m’a également bien épaulée pour mes démarches administratives et un soutien moral. L’association « Le Clou » m’a aussi beaucoup apporté surtout auprès des enfants. De mon côté, j’essayais toujours d’être occupée avec du bénévolat un peu partout à Saint-Josse ! C’était l’occasion pour moi de faire des rencontres. Et c’est grâce aux différents témoignages des professeurs, des asbl, et même du Bourgmestre que j’ai pu introduire avec l’aide de mon avocate et de l’asbl « Le Ciré » une demande de régularisation qui m’a été octroyée ! À présent, avec ma carte d’1 an, j’ai enfin pu signer mon « vrai » premier contrat de travail !

Mes enfants ont aujourd’hui 14 ans et 13 ans. Nous sommes heureux, heureux d’être en Belgique ! Fière de ce petit pays qui nous a tant apporté. Nous remercions particulièrement la Commune de Saint-Josse, une commune que nous n’avons jamais quittée depuis notre arrivée sur le territoire belge. Une commune, un quartier, une famille qui nous ont accueillis « les bras ouverts » dans les bons comme dans les mauvais moments afin de nous donner l’opportunité de construire un avenir meilleur !

Aujourd’hui, encore, c’est une autre asbl de Saint-Josse, « Inser’action », que je découvre et qui m’apporte son soutien !

Mille mercis à tous ceux que j’ai croisés sur mon chemin et qui m’ont tendue la main pour sortir la tête hors de l’eau ! »

Interview par Farida      

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