Éduquer et transmettre quand on est père
Ce mois-ci, nous aborderons les difficultés que peuvent rencontrer les parents et plus particulièrement les pères au travers du témoignage d’un papa de plusieurs enfants, Monsieur Msaouri. Dans cet entretien, il nous partage ses sentiments sur les difficultés et le bonheur d’être père au 21ième siècle
Merci d’avoir accepté de répondre à mes questions. Mes questions portent principalement sur l’enjeu et la difficulté d’être père, sur l’éducation que vous souhaitez donner à vos enfants ainsi que les valeurs que vous désirez leur transmettre.
Avant tout chose pouvez-vous me dire combien avez-vous d’enfants, si ce sont des garçons ou des filles ainsi que leur âge respectif ?
À ce jour, je suis le père de trois enfants dont un garçon qui a 16 ans et de deux filles de 14 et 8 ans.
Comment vous êtes-vous sentis lorsque vous avez appris pour la première fois que vous alliez être père ?
C’est une immense joie. Ca ne s’explique pas vraiment. J’imagine que tout parent qui vit cette expérience sera d’accord avec moi pour dire qu’on est envahi par une immense joie indéfinissable. Je dois avouer que cela m’a encore plus réjoui lorsque j’ai appris que mon premier enfant serait un garçon, bien que je n’aurais certainement pas été déçu si cela avait été une fille. De toute façon au sein de ma famille tout être vivant, qu’il soit garçon ou fille, est le bienvenu.
Pour revenir sur cette première naissance, c’est d’abord le désir d’avoir un enfant qui s’est manifesté au sein de notre couple. Cependant ce désir a rapidement laissé place à tout autre chose. En effet, c’est uniquement lorsque nous avons appris que nous allions réellement devenir parents que nous avons compris tout ce que cela impliquait.
Qu’est-ce que cela représente pour vous d’être père ?
C’est d’abord une très grande responsabilité à assumer. Réussir à leur assurer un quotidien avec tout ce qu’il pourrait leur manquer n‘est pas facile, réussir à leur communiquer une certaine éducation non plus. Être père c’est savoir accompagner son enfant, le suivre à travers les années. Cela demande une vigilance de tous les instants. Pour être père aujourd’hui, il ne suffit pas de langer ses enfants, il faut aussi veiller sur eux ainsi qu’à leur bien-être et ce, de manière continue.
Considérez-vous que ce rôle de père est difficile et si oui pourquoi ?
Peut-être au début cela semble difficile, mais on s’habitue très vite. Je trouve que ceux qui disent trop rapidement que c’est difficile se dédouanent trop facilement. Alors évidemment, le quotidien n’est pas toujours facile, les enfants font des crises, des bêtises et sont parfois dangereux pour eux-mêmes ou leurs proches. Cela n’empêche, il ne faut surtout pas les considérer comme des amis, ou des potes. Un enfant ce n’est pas un copain, ce n’est pas un ami, c’est la chaire de notre chaire, c’est notre avenir, il faut savoir en prendre grand soin. Les enfants ont besoin de guides qui leur montrent les chemins à prendre et ceux à éviter.
Lorsque vous repensez à l’éducation que vous avez reçue et à celle que vous donnez à vos enfants, y voyez-vous des différences et/ou des similitudes?
Il existe bien sûr des similitudes. Je retransmets beaucoup de ce que mes parents et entre autre mon père m’ont inculqué. Cependant, je pense que j’apporte beaucoup de moi-même et surtout j’aborde l’éducation de mes enfants de manière différente de celle de mon père. Le dialogue a une place beaucoup plus présente que par le passé. L’ancienne école réglait les problèmes par des claques, des coups et des engueulades. Maintenant, on doit accorder beaucoup plus d’importance à la parole. Il s’agit souvent de réussir à convaincre ses enfants. On a beau les prévenir des difficultés, souvent ils doivent s’y plonger pour reconnaitre que nous avions raison. C’est souvent ce qu’il arrive avec mon garçon. Je le préviens qu’il ne devrait pas faire telle chose car sinon ça va lui créer des problèmes et malgré l’avertissement, il le fait quand même. Après, il est souvent revenu en me disant, tu avais raison papa, j’aurais dû t’écouter.
Selon vous est-il plus facile ou plus difficile d’être père aujourd’hui que par le passé ?
Ce n’est peut-être pas plus difficile qu’avant. C’est surtout différent. Le plus dur c’est les questions financières, l’argent. La vie coute plus cher et les frais scolaires me semblent avoir augmentés. En plus, les enfants ont souvent des désirs qui coutent cher, il leur faut souvent des gadgets électroniques dernier cri. La société a changé, on dit qu’elle s’est modernisée. Cela a aussi changé nos manières de vivre.
Quelles sont les choses en tant que père que vous désirez pour vos enfants ?
Je considère très important que mes enfants réussissent à l’école. Pour moi, la réussite du parcours scolaire de mes enfants est nécessaire et indispensable si je veux qu’ils puissent se garantir un maximum de chances de trouver du travail et ainsi se garantir une vie à l’abri du besoin et des difficultés financières.
Avez-vous des craintes concernant les difficultés que peuvent ou pourront rencontrer vos enfants ?
À l’heure actuelle, je n’ai pas de crainte directe concernant mes enfants car je les suis de près. Je m’intéresse à leur scolarité. Je pense que c’est indispensable si on ne veut pas qu’ils ratent leur vie. Cependant, l’ambiance générale de la société s’est grandement tendue. Il y a un phénomène de distanciation chez les gens. L’actualité joue sur les représentations des gens, ce qui risque d’avoir de graves conséquences sur nos enfants et la manière dont ils sont traités. Déjà à mon encontre je sens que certaines personnes sont distantes, j’ai même l’impression qu’elles me snobent parfois. Moi-même, en tant qu’enfant issu de l’immigration et de confession musulmane, je m’inquiète pour le traitement qui nous est réservé. Je me dis que si c’est déjà difficile pour moi en tant qu’adulte de résister face à ce genre de comportement, j’ai de fortes raisons de m’inquiéter pour mes enfants.
Je serais triste que cela se reproduise ou s’aggrave envers mes enfants. Être père, c’est savoir gérer et protéger tant que faire se peut le cocon familial tout en assumant les problèmes qui arrivent, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Au niveau de l’éducation comment vous y prenez-vous lorsque vous souhaitez faire passer un message ?
Discuter, leur faire la morale de manière intelligente et très sérieuse quitte à augmenter le ton de sa voix. Parfois, il suffit simplement de confisquer la console, de leur expliquer pourquoi et de la rendre quand leurs comportements s’améliorent.
En quoi l’éducation faite par un père est importante pour vous ?
La première personne qui bénéficie de l’éducation c’est l’enfant. Il faut savoir aussi restituer les valeurs que nous avons reçues tout en ajoutant celles qu’on souhaite transmettre. Parfois, il est nécessaire de se documenter, de faire de recherche ou de demander de l’aide à un ami ou autre. Cela m’est déjà arrivé. Je possède d’ailleurs un livre sur certains conseils d’éducation et je l’utilise de temps en temps. Je n’ai plus son titre en tête mais ce bouquin m’a beaucoup aidé car pour moi cela me semble important de tout faire pour leur offrir une bonne éducation.
Merci à vous Monsieur Msaouri pour ce témoignage qui, j’en suis certain sera instructif pour énormément de nos lecteurs. Je trouve réellement important que par ce témoignage nous puissions donner une place à la parole d‘un père de famille. Grâce à cette interview, nos lecteurs pourront découvrir les expériences, qu’il s’agisse de bonheur ou d’inquiétude que peuvent parfois vivre les pères au 21ième siècle.
Naïm Lfahem
Assistant social