La place des pères au 21ième siècle

30 Juin 2014

Aujourd’hui, j’ai décidé de vous parler de la place qu’ont et prennent les pères au 21ième siècle. Si j’ai fait le choix d’aborder ce sujet dans l’article de ce mois-ci, c’est parce qu’il a une incidence toute particulière sur le travail réalisé à la permanence sociale d’Inser’Action. Que dire de la place des pères au 21ième  siècle ? Et surtout, quelle fut la place des pères par le passé ?  Cette article tentera d’apporter une réflexion sur le rôle qu’ont à jouer et jouent quotidiennement les pères du 21ième  siècle dans cette société contemporaine. 

Les changements de mœurs, sociaux, politiques ou encore économiques qui ont eu lieu par le passé et plus particulièrement ces 40 dernières années ont radicalement transformé la société dans laquelle nous vivons actuellement. Quel est le rapport avec la place des pères, me direz-vous. Il est dans le fait que le pater familias, le père de famille, du fait de ces changements sociétaux, a subi une altération de son statut, de sa fonction ainsi que de son rôle à jouer au sein de notre société.

En occident, par le passé, le pater familias, représentait la plus haute autorité au sein de la famille. Et cela remontait jusqu’à l’antiquité romaine. En effet, dans la maisonnée romaine, le père de famille était l’homme qui avait le plus haut rang au sein de la famille. A tel point qu’il avait même un droit de vie et de mort sur ses enfants, sa femme et ses esclaves. De cette période, nous gardons encore des vestiges dans la société contemporaine. Comme par exemple dans notre législation, lorsque nous signons un contrat de bail en tant que locataire, il est fait mention que nous devons gérer le bien loué en bon père de famille ou en bonus pater familias, pour le dire en latin.

Cependant, depuis le début du siècle dernier et plus particulièrement depuis la fin des années 70, avec les mouvements sociaux et les luttes de femmes, une certaine forme d’égalité entre les hommes et les femmes est venue bousculer les fondements de cette société patriarcale, cette société des pères. Il faudra attendre 1948 pour que les femmes obtiennent le droit de vote et 1973 pour qu’une femme mariée puisse ouvrir son propre  compte en banque[1].  Ces changements, qui ont été réalisés dans un but de démocratisation et d’amélioration des conditions d’existence des femmes et plus largement des  individus, ont mis en branle l’ancienne société patriarcale et ont donc bouleversé les habitudes et traditions de toute la société civile. Pour le dire autrement, les mouvements sociaux, et cela dans un objectif assez légitime, ont mis à mal les mâles, ils ont piétiné l’autorité tant paternelle que d’Etats. Comme le diraient les freudiens, ils ont voulu tuer le père.

Une des premières conséquences de cette mise à mal de ces formes d’autorité patriarcale, c’est que tant dans la société qu’au sein des familles, les systèmes de prise de décisions ont été chamboulés. Il n’y a plus réellement d’autorité « suprême » qui décide tout et sanctionne tout. De ces changements, en découle la nécessité de partager les prises de décision de manière plus démocratique, plus élargie.  Et cela demande plus de temps, de patience et de compromis.  Pour ce qu’il en est de l’éducation des enfants, il n’y a plus d’autorité paternelle en tant que tel, mais une autorité parentale qui, de surcroit doit être conjointe, ce qui veut dire qu’un accord commun doit être trouvé. Que ce soit pour le choix du nom que l’enfant va porter, de sa future école, des dépenses permises dans le ménage, ce n’est plus le père, ni l’homme qui décide, mais le couple. À cela vient s’ajouter les contraintes économiques qui sont loin d’être négligeables. À ce que l’on a appelé les mouvements de « libération de la femme » coïncide l’entrée des femmes sur le marché du travail. En effet, par cette arrivée des femmes dans le salariat, le rôle économique des pères, qui par le passé avaient la charge, le devoir et le privilège de ramener à la maison les moyens de subsistance de leurs familles, se voit réduit à peau de chagrin.  Maintenant que les femmes ont le droit et la liberté de travailler, la domination économique qu’avait su maintenir l’homme  sur la femme s’est estompée. Grâce à cela, elles peuvent maintenant tenter d’atteindre une autonomie financière qu’elles n’avaient pas par le passé. Les pères, et plus largement les hommes ont donc perdu certains de leurs « privilèges », fonction et rôle tant au niveau politique, avec le suffrage universel, qu’au niveau économique avec le droit de travailler des femmes. D’autres facteurs économiques viennent s’ajouter à l’évolution de notre société, comme les nouvelles problématiques créées par la mondialisation tel que le chômage, les délocalisations ou la dette des états européens.

De tous ces changements, découle une perte concrète de repères pour les hommes et les pères qui n’ont plus la possibilité de se baser sur les schémas de représentation « traditionnelle » afin de trouver leur place dans la société, ce qui, soit dit en passant, est aussi le cas pour les femmes et les enfants. La société ne les reconnait plus dans ce rôle d’autorité qu’ils avaient, de ce fait, leur autorité a perdu une certaine légitimité.

L’apparition de nouvelles formes de familles est aussi un facteur non-négligeable pour comprendre cette situation. En effet, c’est la première fois dans l’histoire de l’humanité qu’il y a un nombre si élevé de familles monoparentales[2] ou encore, que des états reconnaissent  le droit à des êtres du même sexe de se marier[3] et d’adopter des enfants[4]. Il s’agit donc pour les pères du 21ième siècle d’affirmer leur existence de manière nouvelle et de réinventer au quotidien leurs rôles, statuts et fonctions. Ainsi que d’envisager de nouvelles formes d’éducation qui prennent en compte l’ensemble des changements abordés précédemment.

Espérons que malgré tous ces changements, avec le temps, les pères, les hommes et plus largement la société humaine, réussira à redonner et à trouver du sens et une place à chaque membre de cette nouvelle société.

 

Naïm Lfahem

Assistant social

 

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