Il y a quelqu’un qui m’a dit que…

31 Mai 2014

Il était une fois un groupe de mamans qui arrivèrent affolées à la sortie de l’école car un SMS a été reçu et transféré à pas mal de monde, SMS que j’ai également reçu donc, je peux vous en faire part, (retranscris ici sans fautes d’orthographe) : «  SMS reçu. Attention des bulgares ont tentés d’enlever 2 enfants (pour trafic d’organes), un chaussée d’Haecht et un autre petit garçon d’une femme turque au parc Josaphat !! Ils sont recherchés et ils recommenceront !!!! Camionnette bordeaux et une autre blanche !!!!!!!!! A faire passer svp c’est pour les enfants. a peut être le vôtre. »

Les mamans en question alertèrent plein de mamans, j’ai parlé avec deux d’entre elles qui m’ont justement expliqué comment elles ont été mises au courant. Justement par ce groupe de mamans et une d’entre elles avait également reçu le SMS. Elles me disent : «  Du coup, les mamans ne laissent plus leurs enfants aller seuls à l’école, maintenant elles les accompagnent, on n’ose plus envoyer les enfants à l’épicier du coin, les enfants ont peur »

En effet, j’ai moi-même constaté lors des activités que les enfants parlaient de ce sujet, ils ont peur chaque fois qu’une camionnette passe. J’ai essayé de rassurer les mamans car objectivement, on ne retrouve pas ces faits dans l’actualité, on retrouve bien des histoires de tentatives d’enlèvement mais en aucun cas à Bruxelles, et encore parfois, il faut être vigilant car cela arrive que les médias contribuent à diffuser ce qu’on appelle des légendes urbaines.

Les mamans me disent qu’en tout cas vaut mieux prévenir que guérir, et que de plus, il n’existe pas une réelle confiance en la justice, ce qui amplifie un sentiment d’insécurité. Une des mamans dit également qu’elle pense qu’on ne nous raconte pas tout ce qu’il se passe, pour ne pas salir l’image de Bruxelles, qui est la capitale de l’Europe.

Je ne suis pas placée pour vous dire ce qui est vrai ou faux, certes il ne faut pas nier que de tels évènements arrivent, mais lorsqu’on diffuse une information surtout lorsqu’on ne sait pas si les faits sont vérifiés, cela est partagé à une vitesse phénoménale vu le mode actuel de communication : SMS, Facebook, etc.

Tout cela m’amène à vous parler des légendes urbaines et plus particulièrement celles de Bruxelles.

Qu’est ce qu’une légende urbaine ?

« Jean-Bruno Renard (1999) définit la légende urbaine comme un récit anonyme, présentant de multiples variantes, de forme brève, au contenu surprenant, raconté comme vrai et récent dans un milieu social dont il exprime les peurs et les aspirations. »[1]

Origine et diffusion d’une légende :

« Les origines des légendes urbaines sont très variées. Il peut s’agir d’un vrai fait divers qui apparaît dans un contexte particulier. Il est transformé, amplifié et parfois mélangé à d’autres actualités diffusées au même moment. Parfois, ce sont des légendes anciennes qui sont remises au goût du jour. »[2]

Depuis le début de l’année on entend dans les médias plusieurs cas de tentatives d’enlèvements dans une camionnette dans la province luxembourgeoise. Est-ce que du coup la crainte qui règne là-bas a été transposée ici ?

« Avant, le bouche à oreille, les déplacements de la population via le tourisme, les voyages d'affaires ou l'immigration constituaient le principal vecteur de diffusion des légendes urbaines. Aujourd’hui, ça se passe sur la toile ! Les chaînes de mails, les sms ou les statuts sur les réseaux sociaux à partager à un maximum de personnes, ça vous dit quelque chose ? »[3]

Aurore Van de Winkel, spécialiste des légendes urbaines avertit : « Les médias participent parfois à la propagation des légendes urbaines. Ils reprennent une actualité sans en vérifier la source. Et avec Internet, tout va très vite. L’info est reprise par d’autres organes de presse, encore et encore… »[4]

Exemple : une rumeur a circulé que certains calamars étaient en réalité des anus de porcs, et cela avait même été dit dans les médias alors qu’il n’y a jamais eu de preuves. Cela a ressurgi après qu’il y ait eu des faits réels cette fois, concernant la nourriture, comme les lasagnes avec la viande de cheval, du coup il y a une crainte qui s’est installée sur ce qu’on consomme réellement.

Pourquoi on y croit ?

« Les légendes urbaines jouent sur les peurs des individus cristallisées dans leur quotidien. La spécialiste explique : « Ces légendes sont vraisemblables parce que les gens réactualisent sans cesse les récits en les ancrant dans leur réalité. Et puis, quand on raconte une histoire, on n’aime pas être mis en doute. Donc on a tendance à appuyer ses propos en ajoutant des éléments crédibilisants à gauche et à droite. Une histoire a plus d’impact lorsqu’elle s’est passée dans les endroits de notre quotidien qu’on connaît ou qu’on fréquente ».

Pour ajouter du crédit au récit, les légendes urbaines sont souvent racontées en intégrant des personnes de référence, des sources sûres : un ami d’ami policier dans cette commune, la cousine d’une voisine infirmière dans cet hôpital… »[5]

Exemple d’une légende urbaine bruxelloise : Le rapt Ikea

« La fille de l'amie d'une amie a été enlevée dans le magasin IKEA d’Anderlecht… Une fois alertés, les gardiens bouclent les lieux et procèdent à une fouille systématique de la surface. Ils retrouvent la petite fille rasée et droguée dans les toilettes. Elle est sauvée in extremis. »[6]

« Les messages implicites de la légende sont qu’il faut toujours surveiller ses enfants, même lorsqu’ils sont sages, et que les agresseurs sont partout, même dans un endroit paraissant aussi sûr qu’un magasin où l’on se rend en famille. {…}

Pour une fois, la police et le personnel du magasin réagissent efficacement, mais le narrateur souligne qu’ils ne font pas «la publicité» de ce type de rapt apparemment si courant que les grandes surfaces ont déjà imaginé des procédures pour y réagir efficacement. Ainsi apparaît la théorie du complot. Dans la légende, le narrateur justifie le silence médiatique en déclarant que les enquêteurs veulent arrêter les membres d’un nouveau réseau de ravisseurs, ce qui laisse entendre qu’ils prennent le risque de la poursuite de leurs agissements et donc de nouvelles victimes dans le seul but de faire avancer leur enquête. {…}

IKEA a dû démentir cette légende en disant que cette «rumeur» n’avait aucun fondement et qu’elle était vraisemblablement l’œuvre d’un mauvais plaisantin ou d’une personne malintentionnée voulant attenter à l’image de l’entreprise. Pourtant, les phrases de prévention indiquées à la suite du récit laissent présumer que loin de vouloir être malveillants, ces sujets-transmetteurs voulaient plutôt poser un acte d’entraide et de conseil vis-à-vis de leurs proches. Des légendes similaires circuleraient depuis les années ’80 pour la version orale, et depuis 1999 pour la version internet. »[7]

Conseil d’Aurore Van de Winkel :

 « La plupart des gens véhiculent des légendes urbaines de manière bienveillante mais attention à rester critique: le message implicite qu'elles diffusent est parfois homophobe, raciste ou autres. Ces récits suscitent souvent de vives émotions et ont parfois tendance à stigmatiser des populations qui en sont les boucs émissaires».

Comme dans cette histoire on cible la population bulgare, dans l’histoire du viol de l’âne du parc Josaphat, c’était la population turque qui était visée.

Je conclurais en disant, qu’il ne faut pas nier qu’il y a de vrais faits divers qui arrivent à proximité et qu’il faut rester vigilant, mais il y a certaines histoires qui circulent et qui peuvent vraiment effrayer et créer de la psychose. Et même si, ceci part peut-être d’un bon sentiment, c’est-à-dire, faire attention aux enfants, cela peut néanmoins avoir des conséquences négatives pour certaines personnes que cela va fortement angoisser.

 

Coralie

 

 

 




[1] Van de Winkel, A., Bruxelles au cœur des légendes urbaines ?, Brussels studies n° 54, 14 novembre 2011 in http://www.brusselsstudies.be/medias/publications/BruS54FR.pdf

[2] Regout, O., Les légendes urbaines de Bruxelles et d’ailleurs,  mis en ligne le 23/08/2013 in http://www.brusselslife.be/fr/article/les-legendes-urbaines-de-bruxelles...

[3] Idem

[4] Idem

[5] Idem

[6] Regout, O., Les légendes urbaines de Bruxelles et d’ailleurs,  mis en ligne le 23/08/2013 in http://www.brusselslife.be/fr/article/les-legendes-urbaines-de-bruxelles...

[7] Van de Winkel, A., Bruxelles au cœur des légendes urbaines ?, Brussels studies n° 54, 14 novembre 2011 in http://www.brusselsstudies.be/medias/publications/BruS54FR.pdf

 

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