Conception de la mort et deuil de l’enfant
Dans cet article, je vais vous présenter la conception de la mort que l’enfant se fait selon son âge, vous expliquer comment il vit le deuil d’un parent proche et vous faire part de quelques pistes. Bien évidemment, ce sont des théories généralistes, chaque enfant est unique et vivra la perte d’un proche à sa manière. Mais ces éléments peuvent aider à comprendre ce que l’enfant vit et comment faire avec, et pouvoir l’aider dans ce processus de deuil.
Le processus de deuil n’est pas pareil chez l’enfant que chez l’adulte, le chagrin de l’enfant n’est pas constant et celui-ci se traduit plus par des comportements que par des mots. L’enfant est limité dans sa capacité à vivre des émotions intenses. L’enfant peut être triste puis d’un coup quelque chose va venir détourner son attention et interrompre sa pensée. Il faut préciser que l’enfant continuera à jouer pendant son deuil, c’est un comportement normal.
Expliquer ce qu’est la mort est un sujet difficile et en parler avec un enfant peut être encore plus délicat. L’important est de ne pas leur mentir et de ne pas les écarter. Car, en observant le chagrin de son entourage, il comprendra qu’il se passe quelque chose de grave et d’important, ce qui créera de l’insécurité. Bien entendu, il faut leur dire la vérité dans un langage adapté à leur âge, c’est pourquoi je vous présente ci-dessous ce qui se passe selon différents chercheurs dans les différents stades de l’enfance.[1]
“La petite enfance (avant 2 ans) :
À cet âge, l'enfant ne comprend pas la mort. Il ressent par contre très fortement la détresse des gens qui l'entourent. Il pourrait pleurer plus que d'ordinaire, ou encore refuser de dormir ou de manger.
L'enfant de cet âge a besoin :
- de continuité dans ses habitudes ;
- d'être réconforté, bercé, cajolé.
Il vaut mieux éviter :
- de le sortir de son environnement ;
- de l'éloigner de ses parents ou du parent survivant.
L'âge préscolaire (de 3 à 5 ans) :
Dès 3 ans, l'enfant a une certaine compréhension de la mort. Il la confond par contre avec un long sommeil et croit que la personne décédée reviendra. Un enfant de cet âge pourrait croire que la mort qui survient est de sa faute. Il risque aussi de ressentir de la peur à l'idée que d'autres personnes qui lui sont chères disparaissent.
L'enfant de cet âge a besoin :
- de savoir qu'on ne l'abandonnera pas ;
- de comprendre que cette mort n'est pas de sa faute ;
- d'entendre la vérité, dans des mots qu'il comprend.
Il vaut mieux éviter :
- de lui dire que le défunt est parti en voyage ou qu'il se repose (l'enfant pourrait avoir peur de s'endormir ou de partir en voyage) ;
- de trop bouleverser sa routine quotidienne.
L'âge scolaire (de 6 à 12 ans) :
À partir de 5 ou 6 ans, l'enfant comprend que la personne défunte ne reviendra jamais. Vers 9 ans, il sait aussi qu'il mourra un jour. Il est assez grand pour comprendre ce qui se passe et assister, s'il le désire, au rituel funéraire. À cet âge, l'enfant pourrait manifester de la colère envers le défunt qui l'a abandonné. Il est également possible qu'il cherche un coupable à blâmer, ou qu'il se sente lui-même responsable de la mort.
L'enfant de cet âge a besoin :
- de recevoir des réponses franches à ses questions ;
- de beaucoup de support dans sa vie quotidienne et scolaire ;
- d'être rassuré sur le fait qu'on ne l'abandonnera pas.
Il vaut mieux éviter :
- de le tenir à l'écart de tous les événements entourant la mort.
L'adolescence (de 13 à 17 ans) :
Comme l'adulte, l'adolescent comprend la mort et tout ce qu'elle implique. Par contre, il est fréquent qu'il y réagisse de façon différente. L'adolescent pourrait s'absenter souvent de la maison, mal s'alimenter et dormir peu. De plus, il est possible qu'il témoigne de l'agressivité envers ses proches, ou encore qu'il adopte une attitude teintée d'indifférence.
L'enfant de cet âge a besoin :
- de discussions franches et ouvertes ;
- de la présence d'un ami ou d'un intervenant à qui il pourra se confier.
Il vaut mieux éviter :
- de forcer la main à l'adolescent qui refuse de se confier à vous. “ [2]
« Les professionnels qui ont étudié le deuil de l’enfant (comme le Dr. Michel Hanus, Marie-Frédérique Baqué, Barbara M.Sourkes et bien d’autres) ont répertorié un certain nombre d’éléments communs à tous les enfants en deuil. Prendre en compte ces éléments aidera l’enfant à poser les bases de son processus de deuil :
La vérité :
- L’enfant a besoin de savoir la vérité. Cette vérité doit lui être dite avec des mots adaptés à son âge, ceux qu’il va comprendre et qui sont justes. Il est essentiel d’accompagner l’enfant dans ses réactions à cette annonce, de respecter son besoin de poser des questions, si étonnantes puissent-elles paraître à l’entourage.
- La cohérence et la permanence du langage sont très importantes : par exemple, quand un papa est mort dites à l’enfant qu’il est " mort ", pas qu’il est " en voyage ", ou qu’il s’est " endormi " etc.
La sécurité :
- Il doit savoir qu’il va continuer à être aimé et que ses proches vont s’occuper de lui. Quand un papa ou une maman meurt, l’enfant peut avoir des angoisses quant à sa survie : Qui me donnera à manger ? Qui m’amènera à l’école ? etc. Sécurisez-le et répondez à toutes ses questions.
La peur de mourir :
- L’enfant va avoir peur de mourir comme son parent, de tomber malade comme lui, d’avoir un accident comme lui et, comme le disait une fillette dont le papa s’est suicidé " d’être pareille ". Pour lui, la mort est comme une maladie contagieuse, elle s’attrape comme un rhume. Il se sent donc très réellement " menacé de mort ". Il a aussi peur que ses proches ne meurent à leur tour en " attrapant " la mort.
- Dites-lui que la mort ne s’attrape pas comme une grippe.
- Différenciez-le d’avec la personne qu’il aime et qui est décédée : il est, lui, une autre personne, il a sa personnalité et sa vie propre.
La culpabilité :
- L’enfant a besoin de savoir qu’il n’est pas coupable de la mort de son parent. En relation avec les étapes de son développement (jusqu’à 8-9 ans, mais cela peut varier et se prolonger), il a la croyance qu’il peut, d’une simple pensée, provoquer un événement et qu’il a le pouvoir sur les choses et sur les gens. Les enfants plus âgés auront eux-aussi un sentiment de culpabilité, mais pour des raisons différentes.
- Dites à l’enfant qu’il n’est pas coupable de la mort de son parent.
- Expliquez-lui que penser à la mort ne va pas la provoquer : une pensée ne peut pas faire mourir quelqu’un.
L’amour porté à son parent décédé :
- L’enfant a besoin de savoir qu’on ne va pas oublier son parent mort, qu’il a toujours une place dans le cœur de ses proches, d’une autre façon puisqu’on ne le verra plus.
- Dites-le lui, et montrez lui que vous aussi, vous continuez d’aimer cette personne.
Dernier au-revoir et participation aux funérailles :
- L’enfant ne peut pas, avant l’âge de 10 ans, comprendre la mort comme irrévocable. Pour lui elle n’est pas définitive et, comme dans un jeu, ou comme dans les dessins animés, le mort est tué puis il se relève et reprend le cours de sa vie.
- Pour l’aider à saisir la réalité définitive du décès de son proche, il a besoin de voir la personne décédée.
- Proposez-lui cette visite d’au revoir à son parent mort et accompagnez-le : il a peut-être des questions à poser et il est nécessaire qu’il se sente en sécurité.
- Attention : s’il refuse d’aller voir son parent mort, ne le forcez pas ! Ne l’emmenez pas non plus si le défunt est défiguré ou méconnaissable suite, par exemple, à un accident.
- De même pour les rites funéraires : il est bon qu’il y participe, entouré de ses proches. Mais ne le forcez pas à venir. S’il ne veut pas y aller, demandez-lui plutôt les raisons de son refus, écoutez-le et répondez à ses craintes. »[3]
La mort est une étape de la vie, nous serons donc tous un jour malheureusement confrontés à la perte d’un être aimé. Le deuil de l’enfant est quelque chose de particulier car il n’est pas complet dans l’enfance, il reprendra et s’achèvera à l’âge adulte. La famille est là pour entourer l’enfant, parfois il est nécessaire de trouver de l’accompagnement et de l’aide chez une personne plus extérieure ou dans des associations. Il existe également des ateliers collectifs pour les enfants, il y a des livres destinés aux enfants. Si vous souhaitez plus d’informations, les portes de la permanence vous sont ouvertes pour vous écouter, vous informer et vous orienter s’il le faut.
Je vous fais part également d’un outil Internet intéressant : http://www.espace-papillon.org/.
C’est un site interactif. Il y a une partie consacrée aux enfants, et une autre partie consacrée aux parents ou professionnels. Ils présentent également leurs ateliers pour enfants.
Coralie
[3] Genoud, M-D, Accompagner les enfants lors d’un décès dans la famille, in http://www.sdequebec.ca/publications/texte3.asp