Quand Inser’action devient un véritable repère commun pour mère et fille…

« Bonjour, je m’appelle Fatima, je suis maman de trois enfants, 25 ans, 24 ans et 14 ans. Avec mon époux et mes enfants, nous habitions en Espagne et mon mari était pêcheur. En 2009, quand l’Espagne a connu la période de crise, mon frère nous a proposé de venir vivre en Belgique. Nous nous sommes installés dans la commune de Saint-Josse, dans la maison de mon frère, un étage au-dessus. La transition n’a pas été des plus simple car nous ne parlions pas le français. Heureusement, nous pouvions compter sur le soutien de mon frère pour nous orienter et être présent à chaque fois que nous en avions besoin. Quand mon frère s’est marié et qu’il a eu des enfants, il a dû déménager et il devenait très occupé. C’est dur à accepter, mais j’ai vite pris conscience qu’il fallait que j’apprenne à me débrouiller et à faire face au monde extérieur, seule. Mon mari travaillait et mes deux cadets étaient très pris par leurs études.

Au début, c’était difficile, quand on ne parle pas la langue du pays, on est comme muet . Mais un beau jour, j’ai été conviée à une séance d’information qui se déroulait à l’école « La Sagesse » que fréquentait Sarah, la plus jeune de mes deux filles. Plusieurs associations se sont présentées à tour de rôle, et une seule a particulièrement attiré mon attention, c’était Inser’action. Un assistant social avait présenté l’asbl en français et s’est également exprimé en arabe. À ce moment précis, je me suis dit « ouf », j’étais persuadée que j’y trouverais du soutien. Le lendemain, je me suis rendue au bureau de la rue Saint Français, 48 et c’est comme ça que j’ai pu retrouver un certain équilibre intérieur au fil du temps. Nous n’étions pas loin d’Inser’action. Je pouvais être conseillée, assistée, aidée pour des démarches d’ordre administratif, scolaire, et même pour un soutien psychologique quand le moral n’était pas au rendez-vous ! Non seulement, on pouvait m’aider, mais en plus, Sarah pouvait également bénéficier d’une aide pour ses devoirs et de superbes activités après l’école. Avant ça, nous avions nos rituels à la maison, pour ma part c’était de m’occuper de mon foyer et visiter ma famille et pour mes enfants, c’était l’école et une relation exclusive avec nous, parents, frère et sœurs. Et c’est ainsi qu’étaient ponctuées nos journées. Au fil du temps, j’ai compris que l’éloignement de la famille a parfois du bon. Voir d’autres personnes, participer à d’autres activités collectives et ouvrir son champ de vision. Quand nous sommes pris par une certaine routine avec des habitudes au quotidien, nous passons souvent à côté de choses importantes de la vie.

Au fur et à mesure des années passées à Inser’action, je pouvais observer Sarah grandir, évoluer, s’épanouir et surtout s’ouvrir aux autres, elle qui était de nature très réservée. D’abord chez les juniors, puis chez les castors et enfin chez les grands. Elle aime apprendre et adore, toujours autant retrouver l’école des devoirs et toute l’équipe devenue une deuxième famille pour nous. Une petite anecdote me revient ‘un jour son grand frère a proposé avec insistance à Sarah de l’aider à faire ses devoirs à la maison. En réalité, il voulait se retrouver un peu avec elle et là Sarah a commencé à hurler et à pleurer « non, non, je veux faire mes devoirs à Inser’action ». Paniqué, son frère a finalement jeté l’éponge 

Quelques années après l’inscription de ma fille aux activités et à l’école de devoirs j’ai appris qu’Inser’action allait également proposer des cours d’alphabétisation. Quelle aubaine, c’était justement ce qu’il me fallait. J’ai été la première inscrite aux cours qui ont débuté en 2016 et auxquels je continue de participer jusqu’à aujourd’hui.

Il y a 5 ans, nous avons dû déménager à Ganshoren. Malgré tout ce que nous avions acquis en matière d’autonomie, c’était l’angoisse de se savoir loin d’Inser’action. On nous a conseillé de chercher du soutien scolaire et des cours de français à proximité de notre domicile, mais personne n’aime les changements surtout quand on sait que nous pouvons compter sur les compétences et le soutien de toute une équipe que nous côtoyons depuis des années.

Il était donc hors de question de laisser tomber, nous avons décidé que Sarah resterait à l’école des devoirs et que je continuerais mes cours d’alphabétisation à Inser’action. Le déplacement en vaut la peine. Aujourd’hui, nous parcourons tous les jours une heure pour l’aller et une heure pour le retour avec trois moyens de transport différents pour nous rendre à Saint-Josse. Et toujours avec autant de plaisir ;)

Et puis, c’est grâce au cours d’alphabétisation qu’aujourd’hui je peux me situer et demander mon chemin quand j’en ai besoin. Je n’hésite pas à m’exprimer en français même si je fais encore des fautes, je n’ai plus peur et j’en suis fière !

Les cours d’alpha sont bien plus que des cours, pour moi, c’est aussi un moyen de souffler un peu et de profiter sans la pression et les contraintes sociales et éducatives. Je me suis fait des amies avec qui je partage beaucoup de choses. Quand je peux, je donne, à mon tour, un coup de main aux personnes qui se trouvent dans la même situation que moi il y a 13 ans… D’ailleurs, je n’hésite pas un instant à orienter et à recommander les gens qui en ont besoin vers Inser’action !

Finalement, ma fille et moi avons un véritable repère en commun, Inser’action, où nous pouvons passer du temps en-dehors de la maison dans un cadre qui nous permet d’apprendre et de nous découvrir autrement. Ainsi, pendant le souper, on se raconte notre journée et forcément, nous évoquons notre deuxième maison qu’est Inser’action, une occasion en plus pour renforcer notre relation de confiance et le lien qui nous unit ;) »

Farida CHALLOUKI