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Réussir malgré tout…

28 Février 2015

 

Aujourd’hui nous nous poserons la question de savoir si le contexte familial ou l’origine sociale influence la réussite scolaire. Pour ce faire, nous bénéficierons du témoignage d’Imad Elgadouri, un ancien jeune ayant participé aux activités organisées par Inser’action. Imad est un jeune de 17 ans sur le point de terminer ses études secondaires.

Bonjour Imad, merci d’avoir accepté cet entretien. Je suis certain que ton témoignage sur ton expérience scolaire et ainsi que tes souvenirs d’enfances permettront à d’autres jeunes de s’en inspirer afin d’influencer positivement leur propre parcours scolaire et leur future insertion socioprofessionnelle.

Peux-tu me dire quel âge as-tu, où as-tu grandi et quel a été ou est le métier de tes parents ?

Pour le moment j’ai 17 ans mais j’atteindrais la majorité le 18 février 2015, c’est-à-dire d’ici moins d’un mois. J’ai passé la majeure partie de mon enfance à Schaerbeek et à Saint-Josse. Nous nous sommes installés plusieurs années à Ixelles. Dernièrement je suis revenu sur Schaerbeek.

Pour ce qu’il en est du métier de mes parents, ma mère est mère au foyer. Grâce à cela, elle a pu énormément s’investir dans mon éducation ainsi que dans celle de mes frères et sœurs. Concernant mon père il a été longtemps électricien mais depuis plusieurs années, sept ans pour être précis, il s’est réorienté et est devenu chauffeur de taxi.

Peux-tu me raconter quelques souvenirs d’enfance sur le milieu où tu as grandi ? Quels ont été les moments les plus marquants de ton enfance ?

L’un des souvenirs qui me revient en tête lorsque tu me poses cette question est celui  où je jouais presque quotidiennement au foot avec mes amis du quartier. Nous avions l’habitude de nous retrouver au stade du Crossing de Schaerbeek pour nos matchs. C’était à chaque fois de chouettes moments où nous pouvions à la fois jouer et discuter.

Peux-tu me parler de ton rapport à l’école. Comment l’envisages-tu ?

Pour l’instant je suis en dernière année d’étude du secondaire. En Sixième générale, c’est à la fin de cette année que j’obtiendrais normalement mon CESS.  À l’école je suis assez investi, je dirais même engagé, je ne rechigne pas à m’impliquer dans des postes à responsabilité. J’ai été à plusieurs reprises délégué des élèves de ma classe. Concernant mes études, je les considère comme une priorité et je suis donc relativement sérieux quant aux moyens à mettre en place pour réussir.

Peux-tu me parler des raisons qui font que tu considères l’école comme une priorité ?

Ce sont mes parents qui m’ont poussé à m’investir à l’école et à prendre ma scolarité au sérieux. Je crois que s’ils m’ont énormément poussé dans ce sens c’est parce que, lorsqu’ils étaient jeunes, ils n’ont pas eu la chance de pouvoir poursuivre et finir leurs études. C’est ça qui a fait qu’ils veulent que je finisse absolument mes études. Ils sont conscients du fait qu’aujourd’hui trouver du travail devient de plus en plus difficile et veulent donc que je mette un maximum de chances de mon côté en obtenant un diplôme d’études supérieures. Ma mère, lorsqu’elle était plus jeune, aurait aimé faire des études de médecine. Elle a encore ce rêve aujourd’hui malgré le fait qu’il y a peu de chance qu’elle le fasse un jour.

Je crois que son investissement dans ma scolarité et le fait qu’elle me pousse à étudier est une manière d’espérer réaliser son propre rêve d’études à travers moi.  Cependant, concernant mes propres rêves d’études, je souhaite depuis longtemps faire médecine et mes parents m’ont toujours encouragé sur cette voie.  À mes yeux, c’est une simple coïncidence si le rêve de ma mère est le même que le mien. Je suis depuis longtemps attiré par le travail réalisé par les médecins. Je suis perpétuellement impressionné par le travail qu’ils font. Pour moi, ce travail est sans doute l’un des plus nobles qu’on puisse trouver.  Si je souhaite  entreprendre de telles études, et je sais que cela ne sera pas facile, c’est aussi parce qu’en tant que jeune issu de l’immigration j’ai un profond sentiment de tristesse concernant l’actualité.

Que veux-tu dire par un profond sentiment de tristesse, une tristesse par rapport à quoi ?

J’ai une tristesse qui est liée à la manière dont les personnes issues de l’immigration et particulièrement les musulmans sont montrés dans les médias de manière négative. Si j’entreprends des études c’est aussi pour donner tort aux médias et à leurs représentations stigmatisantes et négatives des personnes issues de l’immigration. Montrer que, même si ce n’est pas la totalité, une grande majorité de ces personnes, moi y compris, veulent s’insérer le mieux possible dans la société.  Être un jeune issu de l’immigration aujourd’hui ce n’est vraiment pas quelque chose de facile. J’en parle souvent avec mes amis et mes proches. Je crois que nous devrions tous apprendre à parler de cela afin de chasser ces représentations négatives.

Peux-tu me parler de l’accompagnement scolaire que tu as eu en dehors de l’école ?

J’ai fait toute ma scolarité dans une école en Néerlandais, je suis donc maintenant parfaitement bilingue dans deux des langues nationales. Ça n’a pas toujours été facile. Surtout que mes parents ne parlent pas le néerlandais ce qui fait que j’ai du me débrouiller seul face à ces difficultés. Mais maintenant je me sens d’autant plus capable d’affronter de nouveaux défis car j’ai déjà cette expérience de l’acquisition du néerlandais comme exemple pour me rassurer sur ma réussite future.

Qu’en est-il des autres jeunes de ton âge, quel rapport entretiens-tu avec eux et quel rapport entretiennent-ils avec l’école ?

Ce que j’ai pu remarquer c’est que lorsqu’on est jeune et qu’on voit nos camarades de classe dénigrer l’école, la première chose qu’on a envie de faire c’est de suivre le mouvement. Je ne comprends pas vraiment pourquoi le courant général des jeunes dénigre l’école, peut-être que c’est parce qu’on sait qu’il y a peu de chance pour nous de réussir. Je ne sais pas trop. En tous cas, je me pose beaucoup de questions sur ce sujet-là. C’est grâce à ma propre motivation et surtout à celle de mes parents que je dois le fait de m’être investi à l’école. C’est grâce à cela que j’ai surmonté cette tentation. Je ne comprends pas non plus pourquoi, entre jeunes, on ne s’aide pas mutuellement. Lorsque les jeunes se motivent entre eux c’est souvent pour se tirer mutuellement vers le bas. C’est dans ce genre de situation que le rôle des parents prend tout son sens, ils sont là pour nous ramener à la réalité, nous responsabiliser. C’est grâce à cela que je me suis distancié des autres et que je me suis montré prudent face aux phénomènes de groupe.

Si tu devais donner un conseil aux jeunes de ton âge ou à ceux qui sont plus jeunes que toi, quel conseil serait-il ?

On peut et on doit s’amuser, en faisant du sport ou en regardant la tv mais on doit aussi travailler sérieusement. Je motive les jeunes qui m’entourent en leur disant qu’il faut être un bon exemple afin de donner tort aux médias et à ceux qui nous dénigrent et que cela se fait en travaillant sérieusement et de manière impliquée. Je dirais aussi qu’on ne doit pas avoir peur de l’échec car il fait partie de la vie et que ce n’est qu’après une chute qu’on peut se relever. Je voulais aussi dire que ces derniers temps, avec tout ce qui se passe dans l’actualité autour des musulmans, ça me motive encore plus de tout faire pour leur donner tort. C’est cette dénigration qui doit motiver les jeunes à démontrer à quel point certaines personnes se trompent sur les personnes issues de l’immigration.

Merci encore pour ce témoignage, il apporte vraiment quelque chose de nouveau. Je ne peux que te souhaiter la réussite de tes propres rêves. En espérant que tu reviendras un jour pour nous donner de tes nouvelles.

 

                                                                                                                                                                            Naïm Lfahem

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