le cadre des limites et les limites du cadre

31 Mars 2019

Il n’est pas rare pour nos éducateurs de devoir rappeler le cadre éducatif, les règles à respecter au sein de nos activités, aux enfants accueillis durant la semaine.
Dans certains cas, nous sommes obligés de marquer un « non », de poser nos limites par une sanction, une réparation. Que ce soit à l’école ou dans nos activités, nous remarquons que ce cadre, ces limites n’aillent plus de soi.
Comment expliquer cela ?
Le psychanalyste Jean-Pierre Lebrun évoque dans un de ces écrits que depuis la révolution de mai 68, les mœurs ont changé.
Mai 68 est synonyme de révolution, de libération, de liberté et d’égalité.
Qui dit liberté, dit être libre de toutes règles, de tout cadre.
Jean Pierre Lebrun annonce que les parents d’aujourd’hui sont les enfants et petits-enfants de la génération ayant vécu cette période libertaire, ceux ayant vécu cette libération du « non ».
De ce fait, certains parents d’aujourd’hui ne sentent pas avoir la légitimité de mettre des limites qu’ils n’ont pas connues. « Certes, la plupart du temps, ils continuent à l’exiger dans le concret, encore qu’ils estiment que l’obéissance devrait venir spontanément chez leurs enfants, mais dès qu’ils quittent l’enceinte privée, ils se sentent mis à mal si la moindre remarque est faite à leur enfant ». 
« Depuis les années 1970, comme pour contrecarrer des frustrations lourdement vécues, on a vu l'enfant devenir un roi à qui on voue une véritable adoration, au fur et à mesure qu'on apprend à le connaître plus intimement dans ses besoins, sa vie prénatale et psychologique. Les parents ont ainsi placé leur enfant sur un piédestal duquel il a toute liberté » 
L’auteur évoque également que nous sommes passées d’une structure verticale où chacun a quelqu’un au-dessus de soi (un roi, un directeur, un parent, un chef,…) à une société horizontale où tout le monde se trouve au même niveau.
L’autorité d’hier n’est plus celle d’aujourd’hui. Elle n’est plus reconnue et ceux qui doivent l’exercer ne se reconnaissent plus forcément comme ayant la légitimité de l’exercer.
Nous pouvons constater comme le phénomène de l’enfant roi, enfant ne reconnaissant pas l’autorité parentale, celle des professeurs, enfants sans limite et tout puissant, est en recrudescence.
Et les limites dans tout ça, pour ou contre ?
Ne pas mettre de cadre signifie laisser l'enfant dans le vide, le laisser maître de ses désirs et ainsi à vivre dans une toute puissance parsemé des rapports constants de force. « Il est important ici de relever que l'enfant se situant dans ce cas de figure vit dans une angoisse permanente et une grande culpabilité. » 
Les limites sont structurantes. Elles sont des balises dans la reconnaissance des besoins des autres, des interdits de la vie, …
Comme le dit la psychanalyste et pédiatre Françoise Dolto : « L’enfant est un être de désir, il veut tout ce qu’il voit (un bonbon, un jouet...).  Le désir c’est la vie, mais sans limites il n’existe pas de désir. En effet, si tout est possible alors l’envie, le désir, le goût, l’espoir et les rêves disparaissent. »
Elle continue en disant que « tout n’est pas possible et tout n’est pas négociable c’est pourquoi il faut fixer des limites. En effet, un enfant en manque de repères, de « non » se sent livré à lui-même, c’est une situation angoissante pour lui. Être tout puissant c’est sans fin ! »
« L'enfant, en grandissant, cherche à s'affirmer et va donc provoquer, tester le parent. Il n'est pas un adulte en miniature qui décide délibérément une attitude négative mais, au contraire, il cherche à être recadré, rassuré. C'est donc l'attitude constante et la cohérence des parents qui permettent une telle réassurance. Même en cas de séparation des parents, il serait judicieux de pouvoir maintenir une cohérence et de mettre ses griefs et ses souffrances entre parenthèses, quand il s'agit de l'enfant. »
Et pour les ados ?
L’enfant grandit et il est important que le cadre et les limites évoluent avec lui, même si l’adolescent, rêvant de liberté, ne l’entendra pas forcément de cette oreille. L’adolescence est une période de transformation, de transition et de transgression. Il est important qu’il se confronte à une forme d’autorité qui lui permettra de se structurer dans la société dans laquelle il est amené à vivre et ainsi il pourra s’appuyer sur quelque chose qui n’est pas du vide.
Nous pouvons exemplifier ceci par l’image du mur : « l’adolescent qui frappe contre le mur ne veut pas le voir s’écrouler, il veut le voir solide. Alors oui, il va mettre à l’épreuve ces limites, l’affection aussi, il va aller là où ça fait mal pour les parents ou tout éducateur, il ne va pas faire plaisir, d’où des comportements difficiles à supporter. En plus, comme il veut prendre de la distance avec ses anciens repères, il peut passer à l’acte et se mettre en danger. »  
Etant un être en recherche et en construction de soi, de ses valeurs, de ses savoirs, de son corps,…. l’adolescent a besoin de repères et de modèles. Hormis, à ses parents, l’ado se repère à ses pairs et parfois à des personnes se trouvant sur son parcours.
Nos éducateurs sont là pour remplir également cette fonction, celle de modèle, avec toute l’humilité les caractérisant. Ils sont là pour vous soutenir dans les limites posées. Ils sont là pour éduquer et inculquer les valeurs du vivre ensemble, des valeurs que chaque citoyens devrait porter.
Pour cela, nous comptons sur votre soutien, pour le bien de vos enfants.

Steve

1. Jean-Pierre Lebrun dans « Comprendre ce qui fait la difficulté de l’école aujourd’hui », 2015
2. Catherine Meyer, psychanalyste, psychologue clinicienne, Membre de la Fédération Nationale de Psychanalyse et créatrice de l’'Association Psychologie & Parentalité.
3. Ibidem
4.Ibidem
5.«  Autorité et adolescence » de Isabelle Jabaud, novembre 2012

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